Le droit d'alerte du CSE

Temps de lecture : 7 minutes
Par : Andrea H.
Mis à jour le 12/03/2024

L'essentiel
  • Tous les salariés d'une entreprise peuvent exercer un droit d'alerte.
  • Les droits d'alerte dépendent de l'effectif de l'entreprise.
  • Lorsque l'employeur reçoit une alerte, il doit adpoter les mesures nécessaires pour y mettre un terme.
  • Un abus du droit d'alerte entraîne des sanctions pénales.

Au sein des entreprises de plus de 11 salariés où l'employeur met en place le CSE, les élus disposent de droits d'alerte. Ces droits leur permettent de recadrer ou de mettre un terme à des situations préoccupantes. Les droits d'alerte assurent donc une réaction efficace du CSE à l'égard de l'employeur en cas de situations graves ou urgentes. Ils sont divers et peuvent varier selon l'effectif de l'entreprise. Elus du CSE, on vous éclaire sur vos droits d'alerte.

Droit d'alerte du CSE : catégories et exemple

En principe, tous les salariés peuvent exercer un droit d'alerte lorsqu'ils constatent des situations préoccupantes au sein de l'entreprise. Toutefois, au regard de leur rôle de représentants du personnel, le droit d'alerte s'applique particulièrement aux membres du CSE. Ainsi, l'article L. 2312-5 du Code du travail consacre le droit d'alerte de la délégation du personnel au CSE. En fonction de l'effectif de l'entreprise, les membres du CSE disposent de divers droits d'alerte.

💡A noter : dans les entreprises où il est désigné, le représentant syndical dispose également du droit d'alerte.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés

Le CSE dispose tout d'abord d'un droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes. Ainsi, si un élu constate une atteinte à la santé physique et mentale des personnes dans l'entreprise, ainsi qu'à leurs libertés individuelles dans l'entreprise, il doit saisir l'employeur. Pour cela, il faut que l'atteinte soit injustifiée au regard de la tâche à accomplir et disproportionnée au but recherché. C'est par exemple le cas du harcèlement sexuel ou moral d'un salarié. Il peut également s'agir de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement (article L. 2312-59 du Code du travail).

Par ailleurs, dans les entreprises de 300 salariés et plus, il est possible d'attribuer un droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes à la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT).  

En outre, les membres du CSE disposent d'un droit d'alerte en cas de danger grave et imminent. Dans ce contexte, ils doivent constater un danger grave et imminent pour les salariés. C'est le cas, par exemple, de l'exposition des salariés à l'amiante. 

De même, si un élu du CSE constate que les produits ou procédés de fabrication de l'entreprise ou l'établissement entraînent un risque grave pour la santé publique ou l'environnement, il doit mettre en oeuvre son droit d'alerte.

Par ailleurs, l'employeur doit mettre à la disposition des élus, toutes les informations relatives à l'impact environnemental de l'activité de l'entreprise dans la BDESE.

💡 A noter : en cas de danger grave et imminent, un salarié peut le signaler à l'employeur ou au CSE. Toutefois, les élus du CSE restent seuls compétents pour la procédure d'alerte auprès de l'employeur. 

Dans les entreprises d'au moins 50 salariés

En plus des alertes évoquées pour les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE des entreprises d'au moins 50 salariés exerce un droit d'alerte en matières économique et sociale.

S'agissant du droit d'alerte économique, il est aussi ouvert aux membres du CSE central dans les entreprises disposant de plusieurs établissements. C'est un droit permettant aux élus du CSE de demander à l'employeur, des explications lorsqu'ils ont connaissance de faits pouvant affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise (article L. 2312-63 du Code du travail). Il peut notamment s'agir de faits de nature à engendrer des conséquences dommageables sur l'emploi de salariés. Ainsi, les élus du CSE peuvent exercer leur droit d'alerte en cas de réorganisation de l'entreprise. En effet, la réorganisation peut justifier l'alerte lorsqu'elle a propension à affecter la situation de l'entreprise, notamment en cas d'insuffisance, d'incohérence ou de contradiction dans les réponses de la direction aux interrogations du CSE.

Sur le plan social, les élus du CSE peuvent déclencher le droit d'alerte sociale lorsqu'ils constatent une augmentation importante des contrats temporaires ou un recours abusif de l'employeur aux contrats temporaires. Il peut notamment s'agir d'une augmentation préoccupante de contrats à durée déterminée ou de contrats d'intérim. Le CSE peut faire ce constat lors de l'une de ses réunions. 

Droit d'alerte du CSE : quelle est la procédure ?

La procédure de déclenchement du droit d'alerte est variable selon le type d'alerte. De plus, il n'existe plus de modèle type CERFA pour exercer le déclenchement du droit d'alerte du CSE.

En cas d'atteinte aux droits des personnes, de danger grave et imminent ou de risque grave pour la santé publique et l'environnement

Si un membre du CSE constate une atteinte aux droits des personnes, il doit saisir l'employeur. Ce dernier doit réaliser une enquête  avec le membre du CSE le plus rapidement possible. Si la situation dénoncée est avérée, l'employeur doit prendre toutes les mesures pour y remédier. En l'absence de mesures correctives, l'élu du CSE peut saisir le Conseil de prud'hommes en référé. Pour cela, il doit solliciter le consentement du salarié après l'avoir informé par écrit.

En cas de danger grave et imminent, les élus du CSE alertent l'employeur par écrit. Cette alerte est datée, signée et consignée sur un registre spécial. Dans l'immédiat, l'employeur doit réaliser une enquête avec l'élu qui a utilisé le droit d'alerte. Il doit donc prendre toutes les mesures utiles pour mettre un terme à la situation dangereuse. A défaut, la DREETS peut le mettre en demeure d'adopter les mesures adéquates.

Au terme de l'enquête, l'inspecteur du travail reçoit une fiche de renseignement. Si l'employeur et l'élu exerçant le droit d'alerte ont des conclusions divergentes, l'employeur convoque une réunion du CSE dans un délai de 24 heures. La participation à cette réunion peut alors être ouverte à l'inspecteur du travail et à l'agent du service de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail. 

En cas de constat de risque grave pour la santé publique et l'environnement, l'élu du CSE  saisit l'employeur par écrit. Conformément à l'article D. 4133-1 du Code du travail, cette alerte est datée, signée et consignée sur un registre spécial. L'employeur procède à la vérification avec l'élu du CSE. S'ils ne sont pas d'accord, l'élu peut saisir le préfet du département où se situe l'entreprise ou l'établissement. Il en est de même si l'employeur ne donne aucune réponse dans le mois suivant le déclenchement de l'alerte.

En cas d'alertes économique et sociale

Dans le cadre de l'alerte économique, l'élu du CSE demande à l'employeur de lui fournir des explications. Lors de la préparation de la réunion suivante du CSE, l'employeur doit mentionner l'alerte à l'ordre du jour. Il prépare conjointement la réunion avec le secrétaire, membre du bureau du CSE.

Lorsque l'employeur fournit une réponse insuffisante ou une réponse confirmant le caractère préoccupant de la situation de l'entreprise, les élus du CSE établissent un rapport. Ce rapport est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes. Dans les entreprises de 1000 salariés et plus, un accord d'entreprise peut prévoir l'établissement de ce rapport par une commission spéciale. A défaut d'accord, c'est la commission économique qui l'établit. 

En matière sociale, les élus du CSE qui constatent un accroissement préoccupant de contrats temporaires doivent saisir l'employeur. Ce constat peut se faire au cours d'une réunion du CSE. Ainsi, le CSE peut demander à la majorité de ses membres, une inscription de l'alerte à l'ordre du jour de la prochaine réunion.

Pour cette procédure, le CSE peut également saisir l'inspecteur du travail, notamment lorsqu'il constate le caractère abusif du recours aux contrats temporaires.

💡 Bon à savoir : lorsqu'un élu du CSE exerce son droit d'alerte de bonne foi, il ne peut faire l'objet de sanctions. Toutefois, l'utilisation de son droit d'alerte sera abusif s'il l'exerce avec une intention de nuire à une personne déterminée. Dans ce cas, l'abus de droit constitue une infraction réprimée par l'article 226-10 du Code pénal. Cet article prévoit une peine d'emprisonnement de 5 ans et une amende de 45 000 euros.