Abandon de poste : peut-on toujours toucher le chomage ?

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Par : Antonin Y.
Mis à jour le 24/04/2023

Dans un contexte où les démissions sont de plus en plus nombreuses, le législateur a adopté la loi Marché du travail visant notamment à encadrer l'abandon de poste dans le cadre d'un CDI. Le nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail prévoit désormais que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de le faire, est présumé démissionnaire. Cette loi a pour conséquence principale de priver les salariés ayant abandonné leur poste des allocations chômage.

Qu'est-ce qu'un abandon de poste ?

La loi ne donne pas de définition de l’abandon de poste. Pour les tribunaux, il consiste, pour un salarié, à quitter son poste de travail sans autorisation de l'employeur, ou à s'absenter de manière prolongée ou répétée sans justificatif.

L'abandon de poste ne caractérise pas en soi une démission. En effet, une démission suppose une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail.

Que change la nouvelle réglementation ?

La situation antérieure

Auparavant, en cas d'abandon de poste du salarié, l'employeur devait engager une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement disciplinaire. L'employeur ne pouvait pas considérer le salarié comme démissionnaire.

Or, les droits à l'allocation chômage sont ouverts, selon l'article L5422-1 du code du travail, en cas de privation involontaire d'emploi, ce qui inclut le licenciement pour motif personnel.

Le salarié pouvait alors prétendre aux allocations chômage. Pour certains observateurs, l'abandon de poste faisait office, pour certains salariés, d'auto-licenciement.

Les nouvelles règles en matière d'abandon de poste 

Selon le nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail, le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l’employeur, est présumé démissionnaire à l’expiration de ce délai.

La loi instaure donc une présomption simple de démission du salarié. Le salarié peut donc rapporter la preuve, devant le Conseil des prud'hommes, du caractère justifié de son absence.

La loi impose toutefois que l'abandon de poste du salarié soit volontaire. Ainsi en cas de faute de l'employeur qui contraint le salarié à abandonné son poste, il n'y a pas de présomption de démission.

Dans quels cas peut-on toucher le chômage en cas d'abandon de poste ?

La démission, départ volontaire à l’initiative du salarié, n’ouvre en principe aucun droit au chômage. Par exception, le salarié peut prétendre au chômage dans une des situations suivantes :

  • si le salarié justifie d'un cas de démission considéré comme légitime par l'assurance-chômage, 
  • lors du réexamen de sa situation, à sa demande, après 4 mois de chômage non indemnisé,
  • dans les cas où la démission ne peut pas être présumée.

Quels sont les cas où il n'y a pas présomption de démission ?

Certains cas d'abandon de poste sont considérés comme des motifs d'absence justifiée ou légitime. Dans ces cas-là il n'y a pas abandon de poste, ni présomption de démission. L'employeur doit suivre une procédure disciplinaire qui ouvre droit aux allocations chômage.

Ces cas sont notamment :

Quelle est la procédure à respecter ?

La mise en demeure par l'employeur en cas d'abandon de poste

Depuis le lendemain du décret du 17 avril 2023, en cas d'abandon de poste, l’employeur peut désormais mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son poste dans un certain délai. Le délai est d'au minimum 15 jours à compter de la présentation de la LARA ou de la remise en main propre du courrier. A l'issue de ce délai, l'employeur est en droit de considérer le salarié comme démissionnaire jusqu'à preuve du contraire (sauf en cas de reprise du travail ou de motif légitime).

La contestation possible de la démission par le salarié

Le salarié présumé démissionnaire peut contester la rupture de son contrat de travail en saisissant directement le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes, qui se prononce sur la nature de la rupture et ses conséquences. Le conseil doit en théorie statuer dans un délai d'un mois, ce qui est peu probable en pratique.

Même en cas de démission sans réserves, il est possible de saisir la justice d'une demande de requalification de la rupture, par exemple prise d'acte de rupture, en cas de manquement de l'employeur.