Remboursement suite à l'annulation d'un mariage (contexte Covid)

Bonjour. Mon épouse et moi-même devions nous marier le 20 juillet 2020. Cependant, à cause de la pandémie, les frontières extra-européennes demeuraient fermées à la date du mariage. Ma belle famille, résidant en Thaïlande, ne pouvait donc pas venir en France. De surcroit, la situation sanitaire en France n'étant pas réglée, nous avons décidé d'annuler le mariage. Plusieurs invités nous avaient aussi informé ne plus vouloir venir en raison des risques liés au coronavirus. Nous avions versé 500€ d'arrhes pour la location d'un château géré par une association. Cette dernière refuse de nous rembourser. Avons-nous un recours? Merci.

Question posée le : 21/01/2021

Bonjour Madame,

Nous comprenons que vous et votre épouse avez annulé votre mariage prévu le 20 juillet 2020, en raison de la situation sanitaire en France qui ne permettait pas à votre belle-famille résidant à l'étranger, d'assister à la cérémonie. Or, vous avez versé 500€ d'arrhes à une association propriétaire du château que vous aviez loué pour l'évènement, et celle-ci refuse de vous rembourser. Vous vous demandez alors si vous disposez d'un recours contre l'association pour refus de remboursement des arrhes versées pour la location d'un bien immobilier.

En principe, l'article 1218 du Code civil dispose : "Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur." Ainsi, pour qualifier un événement de force majeure, 3 conditions doivent être réunies de manière cumulative :

  • extériorité : l’événement en cause doit être indépendant de la volonté du débiteur. Ainsi, l’empêchement d’exécution du contrat ne peut pas résulter de l’attitude ou du comportement fautif du débiteur. (le critère d’extériorité a fait l’objet de vifs débats en jurisprudence. En effets, certaines juridictions considèrent qu’il s’agit d’un cas de force majeure lorsque le débiteur n’a pas de prise sur l’événement)

  • imprévisibilité : pour qualifier un événement d’imprévisible, on procède souvent au test de la personne raisonnable. L’imprévisibilité s’apprécie alors par référence à une personne prudente et diligente, en tenant compte de diverses circonstances, n’ait pas pu raisonnablement prévoir l’événement en cause, au moment de la formation ou de la conclusion du contrat

  • irrésistibilité : il faut que le débiteur n’ait pas pu agir autrement qu’il l’a fait. Toutefois, les juges n’exigent pas que cette impossibilité soit absolue. Encore une fois, l’irrésistibilité s’apprécie au cas par cas en faisant référence à une personne prudente et diligente, afin de vérifier si l’événement générateur du dommage soit inévitable.

Lorsqu’un événement ne réunit que 2 des 3 conditions ci-dessus, les juges décident selon les circonstances.

Il faut préciser que le cas de force majeure permet d’activer la clause dite « de force majeure » du contrat qui, si elle existe, peut prévoir le non remboursement d’une partie ou de la totalité du prix stipulé au contrat. La force majeure permet aussi de s’exonérer de sa responsabilité contractuelle, par exemple en cas de préjudice invoqué par le client du fait du défaut d’exécution de la prestation (frais de transport ou d’hébergement déjà engagés par exemple).

Conformément à l’article 1218 précité du code civil, la force majeure suspend l’exécution du contrat. Dans l’hypothèse où le report de l’obligation ou de l’évènement est possible, l’exécution du contrat est suspendue jusqu’à la fin de la période d’interdiction et reportée à la date fixée.

Il est précisé qu’en l’absence de clause contractuelle particulière, les arrhes doivent être remboursées lorsque la prestation n’est pas exécutée et ce, même en cas de force majeure. Les seuls cas où les arrhes n’ont pas à être remboursées sont les suivants : - la prestation a été partiellement exécutée à hauteur, au moins, du montant des arrhes, - les conditions générales de vente du prestataire prévoient qu’en cas de force majeure, les arrhes lui seront acquis.

Donc en l'espèce, pour obtenir le remboursement des arrhes que vous avez versées, vous devez d'abord caractériser les 3 conditions de la force majeure (extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité), afin de faire valoir que la Covid-19 constitue un cas de force majeure.

Vous pouvez ainsi demander le remboursement des arrhes pour cas de force majeure, sous réserve du contenu des conditions générales de vente de l'association propriétaire du château et à condition que la prestation n'ait pas encore été exécutée, même partiellement.

En principe, le Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a déclaré le 28 février 2020 que « l’Etat considère le coronavirus comme un cas de force majeure pour les entreprises. »

Les décisions rendues dans le cadre d’autres épidémies ont toutes rejetées le cas de force majeure que ce soit pour le Chikungunya sur l’île de la Réunion ou sur l’île de Saint-Barthélemy (CA Basse-Terre, 1ère Ch., 29 mars 2016 ; CA Basse-Terre, 17 déc. 2018), l’épidémie de Dingue en Martinique (CA Nancy, 22 novembre 2010), l’épidémie de grippe H1N1 (CA Besançon, 8 janvier 2014) ou encore l’épidémie de grippe aviaire (CA Toulouse, 3 octobre 2019). Les juges ont considéré dans ces cas que les maladies ne pouvaient être invoquées pour refuser d’exécuter un contrat et ce, aux motifs que soit que les maladies, leurs risques de diffusion et leurs effets sur la santé étaient connus, soit qu’elles n’étaient pas assez mortelles.

Quoi qu’il en soit, l’ampleur et la gravité de la Covid-19 dépassent sans nul doute les épidémies précitées. En l’absence de traitement préventif d’une part et curatif d’autre part, la Covid-19 semble également présenter le caractère d’un évènement irrésistible.

Les décisions rendues à ce jour concernant la Covid-19 et qui vont dans le sens de la caractérisation de la force majeure sont toutefois à relativiser car concernant le contentieux du droit des étrangers, et non le droit des contrats.

La date à laquelle le contrat en cause a été souscrit permettra d’apprécier l’imprévisibilité de l’épidémie. L’imprévisibilité ne serait ainsi plus caractérisée à compter du 11 mars 2020. La date du 11 mars pourrait être également retenue comme point de référence quant à l’exécution de l’obligation, date à partir de laquelle il pourrait être invoquée la force majeure comme motif régulier rendant impossible l’exécution d’un contrat.

Il faudra, pour celui qui invoque la force majeure, démontrer le lien entre l’évènement qu’est l’épidémie de Covid-19 d’une part et, l’impossibilité de payer ou d’exécuter en nature d’autre part.

Donc en l'espèce, la qualification de la Covid-19 comme force majeure dépend de la rédaction de votre contrat de location. A défaut de clause contractuelle spécifique, l'association propriétaire du château est tenue de vous rembourser les arrhes versées, puisque la prestation n'a pas été exécutée.

Nous nous tenons a votre entière disposition pour vous accompagner dans vos démarches.

Réponse du: 21/01/2021
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